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Poemi in rima del conte Robert de Montesquiou

Hymne à la nuit
Le mystère des nuits exalte les coeurs chastes !
Ils y sentent s'ouvrir comme un embrassement
Qui, dans l'éternité de ses caresses vastes,
Comble tous les désirs, dompte chaque tourment.

Le parfum de la nuit enivre le coeur tendre !
La fleur qu'on ne voit pas a des baumes plus forts...
Tout sens est confondu : l'odorat croit entendre !
Aux inutiles yeux tous les contours sont morts.

L'opacité des nuits attire le coeur morne !
Il y sent l'appeler l'affinité du deuil ;
Et le regard se roule aux épaisseurs sans borne
Des ombres, mieux qu'aux cieux où toujours veille un oeil !

Le silence des nuits panse l'âme blessée !
Des philtres sont penchés des calices émus ;
Et vers les abandons de l'amour délaissée
D'invisibles baisers lentement se sont mus.

Pleurez dans ce repli de la nuit invitante,
Vous que la pudeur fière a voués au cil sec,
Vous que nul bras ami ne soutient et ne tente
Pour l'aveu des secrets... - pleurez ! pleurez avec

Avec l'étoile d'or que sa douceur argente,
Mais qui veut bien, là-bas, laisser ce coin obscur,
Afin que l'oeil tari d'y sangloter s'enchante
Dans un pan du manteau qui le cache à l'azur !

Lucifers
Les étoiles des lys ont éclairé la plaine...
Les pétales de l'astre ont éclos dans la nuit ;
De constellations de fleurs la route est pleine,
Et de moissons de feux la voûte brille et luit.

Les anges ont baissé leurs yeux sur les prairies,
Les hommes ont levé leurs yeux vers les azurs ;
Et l'échange s'est vu des blanches confréries
De l'étoile éthérée et du pétale pur.
Les pétales se sont envolés vers les voûtes...
Les étoiles se sont éprises des humains...
Et des anges aux cieux se sont trompés de routes,
Et des hommes en bas ont trouvé leurs chemins.

Sous les villosités violettes
Sous les villosités violettes des tartres
Les blancs Olympiens ont pris des tons caducs.
Et, des arbres sans sève, et des plantes sans sucs
L'automne qui descend les vêt comme de martres.

L'ombre et la vétusté les rouillent de leurs dartres,
Ces dieux à qui les rois voulaient des airs de ducs ;
Et le soleil mourant qui fuse sur les stucs
Y verse les joyaux des verrières de Chartres.

Le Ciel est tout en fleurs, l'occident tout en fruits ;
On dirait des éclairs forgés avec des bruits,
Des bouches de clairons et des rayons d'épées.

L'horizon est vraiment historique ce soir...
Car dans le panier d'or du couchant on croit voir
Tomber des grains saignants faits de têtes coupées!